Omission de la liste des créances par le débiteur et relevé de forclusion sans autre preuve
30.06.2021
Gestion d'entreprise

Pour la Cour de cassation, le créancier omis volontairement par le débiteur sur la liste des créances doit être relevé de forclusion sans autre preuve à fournir. La règle s’applique également lorsqu’aucune liste n’a été remise.
Le fait pour le débiteur soumis à une procédure collective de ne pas remettre à l’administrateur et au mandataire judiciaire ou au liquidateur la liste de ses créanciers ou d’omettre l’un de ceux-ci de la liste suffit pour que le ou les créanciers concernés soient relevés de la forclusion qu’ils ont encourue pour déclaration tardive de leur créance. L’arrêt commenté confirme ainsi une solution déjà consacrée par la Cour de cassation, mais il le fait pour la première fois depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, qui a modifié l’article L. 622-26 du code de commerce, le texte de référence en la matière (Cass. com., 16 juin 2021, n° 19-17.186, n° 587 B). Le mécanisme du relevé de forclusion obéit à des règles rendues de plus en plus libérales par l’évolution législative et jurisprudentielle, comme le montre l’arrêt commenté.
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Les différents cas de relevés de forclusion
Pour ne prendre que l’hypothèse, qui est la plus générale, des créances nées antérieurement à l’ouverture de la procédure collective, et sous réserve de quelques exceptions, ces créances doivent être déclarées dans le délai de deux mois commençant à courir à compter de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) du jugement ouvrant la procédure. En cas de déclaration tardive, le créancier retardataire encourt la sanction de la forclusion, dont il peut cependant être relevé par le juge-commissaire.
L’article L. 622-26, alinéa premier, du code de commerce prévoit deux cas de relevé de forclusion. Le créancier peut établir que sa défaillance n’était pas due à son fait (par exemple, parce qu’il était excusable d’ignorer l’existence du jugement d’ouverture - ce qui est très rarement admis - ou parce qu’il ignorait la naissance même de sa créance, qui était subordonnée à des conditions non encore remplies...). C’est le cas le plus général et le seul que la législation antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises connaissait.
Cette loi en a créé un second, qui tient compte d’une obligation pesant sur le débiteur, que celui-ci peut plus ou moins bien remplir, ce qui aura des répercussions sur la situation de ses créanciers. Parmi les formalités qui incombent au débiteur, une fois sa procédure collective ouverte, l’article L. 622-6, alinéa 2, du code de commerce prévoit, en effet, la remise à l’administrateur et au mandataire judiciaire ou au liquidateur, selon le cas, de la liste de ses créanciers et du montant de ses dettes. L’accomplissement de cette formalité permet aux organes de la procédure d’informer les créanciers - plus concrètement et plus personnellement que par la simple publication au BODACC, qu’on a vu précédemment - de l’ouverture d’une procédure collective et de les inviter à déclarer leurs créances au passif. L’article L. 622-26, alinéa premier, en tire la conséquence que, si un créancier établit que sa défaillance à déclarer sa créance dans le délai légal est due à son omission de la liste par le débiteur, il obtiendra le relevé de la forclusion.
Le texte, dans sa rédaction initiale, exigeait que l’omission fût volontaire et c’était au créancier d’apporter la preuve de ce caractère volontaire, ce qui était une condition supplémentaire pas toujours facile à démontrer. Elle a été supprimée par l’ordonnance du 12 mars 2014. Désormais, l’article L. 622-26, alinéa premier du code de commerce énonce simplement : « A défaut de déclaration dans les délais impartis [...], les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance |...] est due à une omission du débiteur lors de l’établissement de la liste [...] ». Les créanciers n’ont donc plus à justifier que leur omission a été volontaire. Il suffit de constater objectivement qu’elle existe, du seul fait que leur nom ne figure pas sur la liste. Pour autant, les créanciers sont-ils ensuite dispensés de démontrer que l’omission est la cause de leur retard ? C’est à cette question que répond plus précisément l’arrêt commenté.
Le lien de causalité entre l’omission du créancier et le retard à déclarer sa créance
Lu de manière littérale, il semblerait que le créancier dût faire la démonstration d’un tel lien de causalité. En effet, le texte mentionne qu’il doit établir que sa défaillance est due à une omission, autrement dit que l’omission est bien la cause de sa défaillance. Pourtant, la jurisprudence ne l’a jamais exigé, se montrant très favorable aux créanciers omis. Dès l’origine, la Cour de cassation a fait de l’omission un cas de relevé de forclusion automatique, présumant en quelque sorte l’existence du lien de causalité et ce d’une manière irréfragable, ne supportant, par conséquent, aucune preuve contraire. Le créancier omis de la liste obtenait nécessairement d’être relevé de la forclusion, sans aucun pouvoir d’appréciation laissé au juge-commissaire. Un arrêt l’avait déjà dit, sous l’empire du texte antérieur : « [...] si le caractère volontaire de l'omission d'une créance est démontré, le créancier qui sollicite un relevé de forclusion n'est pas tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre son omission de la liste et la tardiveté de sa déclaration de créance [...] » (Cass. com., 10 janv. 2012, n° 10-28.501, n° 17 P+B ; Bull. civ. 2012, IV, n° 4).
La suppression, en 2014, de la condition préalable du caractère volontaire de l’omission ne modifie pas la solution, selon l’arrêt commenté qui reprend, au demeurant, la formule de celui de 2012. Le créancier omis doit être relevé de la forclusion, sans autre preuve à fournir. Le nouveau texte, comme l’arrêt s’inscrivent ainsi dans un courant favorable à la protection des créanciers.
On observera enfin que l’arrêt, pour la première fois - mais un argument a fortiori le justifie - assimile expressément à l’hypothèse d’une liste de créanciers comportant des omissions, la situation où le débiteur n’a remis aucune liste, ce qui équivaut à l’omission de tous ses créanciers.
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